L’étrange saga d’Edmond Bouchard: la clé française échappée


Edmond Bouchard
Edmond Bouchard

Le Quebec HC (Bulldogs) n’a jamais eu de joueurs francophones de grande qualité. En de trop rares occasions, il a tenté d’en attirer : Didier Pitre et Aurèle Joliat ont reçu des offres  des « Blancs et Bleus », mais sans suite.

Edmond Bouchard aussi.

À l’hiver 1917, le Quebec HC attire moins de 1000 spectateurs à l’Aréna. L’interminable première guerre mondiale mine l’intérêt des partisans.  Il faut souligner également que l’équipe est exclusivement composée de joueurs anglophones. La population locale, largement « canayenne« ,  encourage d’abord ses joueurs de la ligue municipale.

On ne reprochera pas au patron du Quebec HC Mike (MJ) Quinn d’offrir un contrat professionnel à l’excellent George Carey, un joueur dominant du Sons of Ireland, le meilleur club amateur de Québec. Il donne raison à l’organisation et surprend agréablement chez les pros de la N.H.A.

Sans doute inspiré par le succès instantané de Carey, Mike (MJ) Quinn fait alors de l’œil au « nouveau » meilleur joueur amateur de la ville, Edmond Bouchard.  Il n’y a pas plus francophone que ça!

29 dec 1916
Quebec Chronicle 29 dec. 1916

Cet athlète de St-Étienne des Grès en Mauricie, alors âgé de 24 ans, en est à ses premiers coups de patins dans la Vieille Capitale.  Nouveau joueur du club francophone Les Montagnais, il fait 5’10’’ et 185 livres. Un vrai p’tit bouledogue…

Le 2 janvier 1917, Le Quebec Chronicle avance qu’Edmond Bouchard est « convoité par le Québec » et prétend qu’il « pourrait même s’entendre avec lui à temps pour le match demain soir contre les Canadiens ». Une stratégie qui aurait pu mettre la population “du bon bord” car, vous l’aurez deviné, les francophones de Québec adorent les Canadiens de Montréal.

Mais Edmond Bouchard ne jouera pas pour les Bulldogs ce soir-là.

Dommage.

Edmond Bouchard est un joueur populaire, peut-être encore plus que Joe Malone chez les francophones. Cette saison-là (1916-17), il enregistre 16 buts en 9 parties pour Les Montagnais. Lors des saisons 1918 et 1919 (marquées par l’absence des Bulldogs et du hockey professionnel à Québec), il devient le joueur vedette de la Ville en marquant un impressionnant total de 48 buts en 17 parties, dominant aisément la colonne des marqueurs et les manchettes des journaux !

À l’automne 1919, les Bulldogs renaissent de leurs cendres et lui offre encore une fois de porter un chandail professionnel.

La suite des choses soulève une tonne de questions.

27 décembre 1919
Quebec Chronicle 27 décembre 1919

Lors du premier match des Bulldogs dans la LNH en décembre 1919, Edmond Bouchard demande étonnamment à Mike (MJ) Quinn de porter l’uniforme et de s’asseoir au banc des joueurs. Quinn refuse, prétextant que les spectateurs se questionneraient sur la pertinence de ne pas faire jouer un de leurs favoris.

Quelques jours plus tard, coup de théâtre : après un match avec les Crescents de Québec, Bouchard quitte la Ville pour une autre équipe, le Hochelaga de la Ligue Sénior de Montréal.

Cette ligue amateur cesse ses activités en 1921 et Bouchard revient à Québec. Il s’apprête à jouer pour les Voltigeurs de Québec dans la toute nouvelle ligue provinciale lorsque l’association de hockey amateur du Québec est chargée d’enquêter sur lui.

Monsieur L.A. Latreille, l’ex-patron du Montréal Hochelaga allègue qu’Edmond Bouchard a joué pour un salaire de 750 $ avec son équipe « amateur » en 1920 (50$ par partie, pour 15 jouées). Il aurait donc quitté les Voltigeurs de Québec (et les Bulldogs ?) pour jouer « pro » à Montréal.

Quebec Chronicle, 4 janvier 1922
Quebec Chronicle, 4 janvier 1922

Le patron des Voltigeurs de Québec Lionel Létourneau soutient tout de même Edmond Bouchard dans son plaidoyer d’innocence. En dernier recours, Bouchard avoue avoir reçu ces sommes pour payer ses frais de déplacement, ce qui était permis. Le comité en doute puisque qu’un voyage « Trois-Rivières-Montréal » ne coute alors que 2.25 $. On se questionne  aussi sur la pertinence qu’il verse 6.50$ par jour de travail manqué à celui qui remplace son quart de travail à Trois-Rivières.

Le verdict tombe le 2 janvier 1922 : Le patineur de la Mauricie perd son statut de joueur amateur. Forcé à la retraite chez les « amateurs », il accepte ce jour-là de signer une entente professionnelle avec … les Canadiens, exactement 5 ans après avoir décliné la première offre professionnelle des Bulldogs.

Edmond avec les Canadiens
Edmond avec les Canadiens

Un peu moins d’un an plus tard, le 22 décembre 1922, il sera échangé ironiquement à Hamilton, le nouveau domicile des « Bulldogs« , en retour de… Joe Malone.

Si sa carrière professionnelle n’a commencé qu’à l’âge de 30 ans, il aura eu le temps et le talent pour jouer 220 matchs dans la LNH avec MontréalHamilton, les NY Americans et les Pirates de Pittsburgh.

Ce n’est que le 26 janvier 1934 qu’il retrouve son statut de joueur amateur (ça se faisait !). On retrace le nom du hockeyeur dans les journaux de la Mauricie jusqu’en 1936, alors qu’il est encore actif  dans une ligue locale à l’âge de 43 ans.

Il est décédé le 18 juillet 1955 à l’âge de 63 ans.

Qui sait ce qu’un « oui » au Quebec HC en 1917 aurait pu changer au cours de l’histoire de l’équipe.

le 2 janvier 1920, le Quebec Chronicle va même prétendre qu'il sera de l'alignement partant. Une commande pour attirer les spectateurs ?
le 2 janvier 1920, le Quebec Chronicle va même prétendre qu'il sera de l'alignement partant. Une commande pour attirer les spectateurs ?

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