McNaughton et Wellington n’ont jamais joué dans la LNH.


On compte plusieurs centaines de one-game-wonder dans l’histoire de la LNH. Ces joueurs qui ont joué dans un seul match, pour ne plus jamais y retourné. Il y a quelques années, j’avais réalisé pour Radio-Canada un reportage sur trois d’entre eux, le défenseur Blair MacKasey et les gardiens Paul Pageau et Jean-Guy Morissette. Chacun avait une histoire très intéressante reliée à ce passage éphémère dans la grande ligue.

Les « Bulldogs » de Québec, qui n’ont joué qu’une seule saison dans la LNH, compte deux joueurs dans cette liste, selon tous les sites web spécialisés. Ils ont pour nom Alex « Duke » Wellington et George McNaughton et se retrouvent parmi tous les joueurs de NHL.com.

Mais c’est une erreur. Ils n’ont jamais joué dans la LNH. Cette information est erronée et est véhiculée depuis plusieurs décennies.

Je raconte rapidement l’histoire concernant l’Ontarien Alex Wellington: en manque de joueurs, Québec lui offre un contrat le 9 janvier 1920, afin d’être du match à Ottawa prévu le lendemain. Wellington retourne un télégramme refusant l’offre, tout comme cinq autres joueurs, dont le fameux Aurèle Joliat. Mais le nom de Wellington a été glissé par erreur dans la liste des joueurs de l’équipe lors de cette défaite, et l’erreur ne fut soulignée que quelques jours plus tard. Son histoire perdure jusqu’à aujourd’hui.

l’alignement erroné du Club de Québec, incluant Wellington, lors du match du 10 janvier 1920. (Le Soleil).
Rectification pour Wellington, 14 janvier 1920 (Quebec Chronicle).

Celle du joueur de Québec George McNaughton (1897-1991) est particulièrement riche, tout comme l’homme.

La grande famille McNaughton, débarquée à New Liverpool (devenu St-Romuald, puis Lévis) en 1817 habite la Rive-Sud de Québec toutes ses années, mais William McNaughton passera quelques années à Pabos – devenu Chandler – là où sont nés George et deux de ses frères. De retour à Québec à un très jeune âge, c’est là que George apprend les rudiments du hockey.

Capitaine et vedette de l’équipe amateur les Sons of Ireland, il aide la formation en vert à devenir la meilleure équipe junior au Québec.

George McNaughton, avec les Sons of Ireland de Québec, vers 1916. (photo : Tim McNaughton)

Au moment où les Bulldogs requiert ses services, en 1917, il s’est enrôlé avec le Royal Flying Corps, au front pour l’armée canadienne.

À l’automne 1919, il est de retour au pays et se cherche du travail, comme plusieurs de ses confrères militaires. Il est à Winnipeg avec un ami lorsqu’il reçoit une invitation pour joindre les « nouveaux Bulldogs » à la recherche de jeunes jambes pour leur entrée dans la LNH. Trois jours avant le premier match de la saison, on apprend qu’il s’est entendu avec Québec et qu’il est dans un train, au grand regret des amateurs de Winnipeg. Il venait de commencer la saison avec les Vics de la ligue senior – et avait compté deux buts dans son unique match avec eux.

Il est prévu être de l’alignement lors du match inaugural des Bulldogs dans la LNH, disputé à Québec le 25 décembre contre le Canadien de Montréal.

Quebec Chronicle, 22 décembre 1919.

McNaughton est bel et bien en ville, mais le Quebec Chronicle nous apprend que ses parents l’ont dissuadé à devenir joueur professionnel. Faut savoir qu’à l’époque, un joueur amateur qui devenait professionnel ne pouvait plus revenir à l’arrière, et que d’être payé pour pratiquer un sport était parfois jugé sévèrement.

George ne sera jamais payé pour jouer au hockey. Enfin, pas officiellement. Il n’est pas rare que les clubs amateurs offrent certaines compensations « sous la table ». Aucune preuve en ce qui le concerne, mais ça été le cas pour Edmond Bouchard, un autre joueur sollicité par Québec.

Quebec Chronicle, 27 décembre 1919.

Le 27 décembre 1919, McNaughton est au centre de son équipe de toujours, les Sons of Ireland de la ligue de Québec, et comptera deux buts dans une victoire de 6-0. C’est avec eux qu’il passera le reste de la saison.

Trois jours plus tard, le club « Laval » de la ligue de la Cité dépose un protêt contre McNaughton, alléguant qu’il doit être exclu de la ligue puisqu’il aurait reçu de l’argent des Bulldogs pour payer son voyage en train en provenance de Winnipeg. La cause sera entendue mais rejeté par la ligue.

À la suite de la première version de cet article, les historiens et auteurs Eric Zweig et Jean-Patrice Martel ont fouillé encore plus profondément l’histoire de McNaughton, et l’erreur de la LNH viendrait du Ottawa Citizen lors du résumé du match du 1er janvier 1920. Malgré que le texte parle du Club Québec « avec seulement sept joueurs en uniforme », le nom de McNaughton est ajouté à la huitième ligne du sommaire comme substitut. Comme les feuilles de matchs ont été pour la plupart perdu avant la saison 1921-22, cette unique mention fait foi.

Le 7 janvier 1920, le Quebec Chronicle met un terme à l’histoire. McNaughton, comme les autres joueurs mentionnés, a d’abord accepté les termes de l’équipe avant de faire faux bond.

Le Sons of Ireland, qui ont aussi dans leur rang un autre joueur de très gros calibre, Hammy Laroche, vont tout balayer cette année-là, attirant de belles foules, alors que les Bulldogs ne vont remporter que quatre de leurs 24 parties. Ces deux joueurs réclamés par le club Québec auraient certainement aidé l’équipe, tant dans les gradins qu’au classement.

Les « SOI » seront freinés en demi-finale canadienne dans leur tentative de remporté la Coupe Allen, symbole canadien en hockey amateur.

Il connaitra de très bonnes saisons avec le SOI jusqu’en 1924, année d’une autre poussée vers la Coupe Allan, après un passage remarqué avec les Warriors de La Tuque, avec il tentera aussi de remporter la Coupe Allan en 1921.

George McNaughton, avec La Tuque, en 1921. (photo, Tim McNaughton).

C’est en 1924 qu’il reçoit une dernière offre de contrat professionnel, elle vient du grand Newsy Lalonde, qui est maintenant joueur et entraineur des Crescents de Saskatoon de la Western Canada Hockey League, rivale de la LNH jusqu’en 1926. Il dit avoir été impressionné par son jeu, à Toronto, dans une autre demi-finale de la Coupe Allen, contre le club Varsity. Le petit George était sans doute très bon, meilleur que George Carey, son coéquipier des Sons of Ireland jusqu’en 1916 et qui comptera 30 buts en 91 parties avec Québec, Hamilton, Calgary et Toronto.

McNaughton s’établit à Kénogami en 1923, et travaille pour la papetière Price. En 1929, on le retrouve au centre pour le club « Riverbend » dans la ligue senior du Lac St-Jean. Véritable légende du coin, il deviendra d’ailleurs le maire de cette ville de 1934 à 1939 – elle fusionnera avec Alma en 1962 – et l’un des dirigeants des papetières Price jusqu’à sa retraite, en 1963. Il vivra à Chicoutimi jusqu’à sa mort, à l’âge vénérable de 94 ans.

découpure de journal de 1988 de Chicoutimi, alors que le Temple de renommée s’installe. (courtoisie Tim McNaughton)

Dans les souvenirs de Roy V. Halpin, cité en 1949, McNaughton a été le meilleur joueur non-professionnel développé à Québec. Cependant, un article de 1959 raconte qu’il est amené au centre de la glace du Colisée de Chicoutimi pour la mise en jeu protocolaire d’un match en tant qu’ancien joueur des Bulldogs de Québec. La confusion existe depuis longtemps.

« Il ne m’en a jamais parlé » dira son petit-neveu Tim McNaughton, qui nous a fourni la plupart des photos de cet article. Il n’a que de bons souvenirs de son oncle. « Un pêcheur et un conteur d’histoire incroyable ». Bien que surpris de savoir que son grand-oncle n’a jamais joué dans la LNH, il conserve jalousement son chandail des Sons of Ireland, encore en très bon état. À ma connaissance, c’est le plus vieil exemple conservé d’un chandail de hockey d’une équipe de Québec.

Une pièce de collection, le chandail vert des Sons of Ireland, probablement celui de 1924, une équipe amateur légendaire de la Ville de Québec.

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Sebastien dit :

    Il est difficile de corrigé des erreurs de bases de données une fois publier a travers le monde.
    Très intéressant comme article, comme toujours.

    De nos jours, le plus célèbre de cette liste est Don Cherry. Dans quelques années, il deviendra aussi anonyme que les autres joueurs de cette liste. Et grâce a vous, certains ne seront plus des anonymes puisqu’on nous racontera leur histoire. Merci.

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