Joe Hall – le premier tough et talentueux du hockey.



« même s’il était un homme difficile en affaires, une fois l’entente signée, il donnait chaque once d’énergie en lui pour le hockey. Apprécié de tous les joueurs, il était la colonne vertébrale du club. » Mike Quinn, DG du Québec Hockey Club.

Les Bulldogs de Québec ont joué entre 1878 et 1920, faisant d’eux l’une des premières équipes de l’histoire du hockey. Ils ont remporté la Coupe Stanley en 1912 et 1913, et les cinq joueurs ci-dessous ont contribué à l’ultime récompense. Puisque leur histoire n’est pas toujours connue, prenez le temps de lire leur bio avant de faire votre choix!

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Voici le premier des cinq portraits dédiés au concours.

Malgré ses 1,78 m et 79 kg, Joe Hall (1881-1920) est considéré comme le premier mauvais garçon du hockey. Ses frasques très médiatisées font le délice des amateurs de toute l’Amérique. Sa réputation le précède lorsqu’il s’entend avec le Quebec Hockey Club en 1911. C’est un retour à son premier port d’accueil en Amérique du Nord.

Joseph Henry Hall est né à Milwich, Staffordshire, en Angleterre, le 3 mai 1881, au milieu d’une famille de sept enfants. Il n’a que deux ans lorsque la famille traverse l’Atlantique à bord du Sardinian jusqu’à Québec, accosté le 30 août 1883. Les Hall auraient passé un moment dans le Dakota du Nord, aux États-Unis, avant de s’établir à Winnipeg, puis à Brandon, au Manitoba. C’est là que Joe apprend à manier un bâton de hockey de toutes les façons possibles…

Après un passage convaincant chez les seniors à Brandon et à Winnipeg, il prend le chemin du hockey professionnel à Houghton (Michigan) où il reçoit 700 $ pour jouer dans l’International hockey League (IHL) avec le Portage Lake Club. Hall y établit sa réputation d’excellent joueur avec 33 buts en 20 parties et de dur à cuire avec un record de 98 minutes de pénalités, le double de son plus proche concurrent, l’ex-joueur de Québec Hod Stuart. Il assomme d’ailleurs ce dernier avec son bâton le 6 janvier 1906, disant se venger d’un coup précédant. Les récits de cette saison sont spectaculaires: arrêté par la police pour avoir menacé un arbitre, puni pour en avoir fait trébucher un autre, il s’en prend verbalement à son entraîneur puis à des spectateurs… Le Pittsburg Press du 22 janvier 1906 ironise à son sujet : « Joe Hall n’a tué personne hier. » Rapidement, on le surnomme « Bad Joe » ou le « mauvais garçon de l’Ouest ».

De retour à Brandon la saison suivante, on raconte que Hall a brisé le coude de Magnus Fleet d’un coup de bâton. Il sera suspendu pour son geste, tandis que la saison de Fleet semble compromise. Or, celui-ci n’a finalement reçu qu’un coup de bâton accidentel sur les doigts et jouera de nouveau deux jours plus tard. « SVP, ne croyez pas ce qui se dit sur moi. On me traite de matamore, mais j’encaisse les coups et je ne recule devant personne », se défend Hall, qui répétera ces mots tout au long de sa carrière…

En 1913 avec Québec, la réputation de Joe Hall n’était plus à faire, mais à défendre.

Il est tout de même banni de la Manitoba Hockey League dès le premier
match de la saison 1907-1908 pour « jeu violent ». Persona non grata sur les glaces de sa province, c’est au Québec qu’il trouve refuge malgré une certaine opposition de la presse. Les clubs Montreal AAA, Shamrocks et Wanderers de Montréal s’échangent ses services pendant trois ans, mais il est sans uniforme lorsque le Quebec Hockey Club lui fait signe en janvier 1911. Converti en défenseur, il semble trouver sa niche, considéré comme l’un des plus solides au pays. Il sera un Bulldog pour le restant de sa carrière.

Représentant pour une compagnie de cigares au Manitoba, Hall semble apprécier Québec pour autre chose que le chèque de hockeyeur. D’une amitié sincère avec Joe Malone, il est très populaire en ville et gagne même un concours de popularité, devançant Moran et Malone. Il participe activement dans la communauté sportive en tant qu’entraîneur et arbitre de la ligue municipale et s’entraîne régulièrement dans le ring avec le populaire boxeur Joe Montminy.

ON LUI DOIT PEUT-ÊTRE L’ORIGINE DU SURNOM DES « BULLDOGS ».

Le surnom des « Bulldogs » de Québec revient probablement au journaliste Tommy Gorman de l’Ottawa Citizen, comme on peut lire pour la toute première fois en page 8 de l’édition du 10 février 1913. C’est le titre associé à une victoire de 4-1 à Ottawa : « Les “Bulldogs” de Québec triplent le pointage et s’agrippent fermement à la coupe Stanley ».

Les premières lignes du paragraphe suivant expliquent le lien. « Les Bulldogs de Joe Hall, surnom utilisé fréquemment par la confrérie des joueurs, n’ont pas eu trop de difficulté à s’approcher de la coupe Stanley lorsqu’ils ont rencontré et battu Ottawa par la marque de 4 à 1. »

Joe Hall, à droite de Joe Malone, tenant en laisse probablement son propre chien, surnommée « Togo ».

Le Temple de la renommée du hockey contient un « scrapbook » de la carrière de Joe Hall, offert par des membres de sa famille. On y trouve l’ensemble de ses réalisations, avec les bons et moins bons passages. En tout, Hall aura compté 190 buts en 262 parties, gagné trois fois la coupe Stanley et accumulé 927 minutes de punition et des centaines de dollars d’amendes.

Scrapbook de Joe Hall, Temple de la Renommée du Hockey. Photo : Marc Durand.

Ce document regorge de récits en compagnie de Newsy Lalonde, vedette du Canadien, qui ne donnait pas non plus dans la dentelle. Voici un extrait du livre « La Coupe à Québec » dont l’action est situé au début de la saison 1913-14.

Un incident en deuxième période marque ce match inaugural au nouvel Arena de Québec. Il implique encore une fois les « amis » Joe Hall et Newsy Lalonde. Lors d’une querelle, « Lalonde frappe Hall à la figure avec son bâton lui infligeant une large blessure d’où ruisselle le sang et qui nécessite 16 points de suture », selon L’Action Sociale. Le coup a été si salaud que même le pacifique Joe Malone engage le combat avec Lalonde. « Joe Malone est intervenu en gentleman, avec ses poings », raconte le Chronicle. Lalonde est finalement expulsé et mis à l’amende pour 15 $, tandis que Hall reçoit une punition de 10 minutes et doit lui aussi payer l’amende de 15 $. Blessé, ce dernier n’est cependant pas revenu sur la glace. Il ratera le match suivant avant de se présenter avec un bandage sur la tête, souvenir qu’il gardera plusieurs semaines.

Le 17 janvier à Montréal, veille du second match de la saison contre le Canadien, le président de ce club George Kendall demande au président Emmet Quinn de la NHA d’intervenir : « Ce serait une bonne chose de parler à Hall avant le match avec une mise en garde sévère afin de prévenir les blessures et un possible bain de sang. » Quinn refuse d’acquiescer à cette demande, jugeant qu’elle revient aux arbitres. Le télégramme de Kendall est aussi habilement distribué aux journaux.

Ainsi marqué, Hall, qui a toujours la tête entourée d’un bandage, devient le
méchant de l’histoire. En début de deuxième période, Lalonde est à la poursuite du disque derrière le filet de Moran, lorsque Hall à ses côtés le met en échec contre la bande. La tête de Lalonde a le malheur de frapper un coin en V muni de deux crochets pour ouvrir la porte. La Patrie relate l’affaire : « On releva Lalonde, le sang lui inondait la figure et le docteur Desloges qui était dans l’assistance fut appelé pour le panser. Il fallut lui faire dix points. La foule s’indigna et fit à Joe Hall une manifestation antipathique qui dura trois minutes. » Lalonde ne reviendra pas au jeu et Hall non plus. Ce dernier est éjecté du match alors qu’il clame son innocence, prétendant avoir donné une mise en échec légale.

Joe Hall, avec le Canadien de Montréal, quelques temps avant sa mort.

Joe Hall termine sa carrière avec le Canadien (et Newsy Lalonde), lors des années sabbatique de Québec en 1918 et 1919. Tout près de remporter la Coupe Stanley avec le club montréalais en 1919, le dernier match du championnat est annulé en raison de la grippe espagnole. Hall, qui est passé de la patinoire à l’hôpital de Seattle lors du 5e match succombe à l’épidémie quatre jours plus tard, le 5 avril 1919. Le Bulldog aura perdu son dernier combat.

Le père de trois enfants n’a que 37 ans. Les funérailles ont lieu le 8 avril à Vancouver. Parmi ceux qui portent le cercueil en terre au cimetière Mountain View figurent les légendaires Fred « Cyclone » Taylor, Lester Patrick et Newsy Lalonde. Le président de la PCHA Frank Patrick, qui n’a jamais pu l’attirer hors de Québec, dira : « Le hockey va souffrir de son absence. Hors glace, il était l’un des plus joyeux, généreux et populaires joueurs qui n’aient jamais joué. » Comme Hall faisait partie du Quebec Hockey Club depuis janvier 1911, sa mort est soulignée dans la presse québécoise. Son gérant Mike J. Quinn déclare au Chronicle que « même s’il était un homme difficile en affaires, une fois l’entente signée, il donnait chaque once d’énergie en lui pour le hockey. Apprécié de tous les joueurs, il était la colonne vertébrale du club. »

Le 29 décembre 1919, le Toronto World note que les joueurs de Québec (de retour dans le hockey majeur) portent « une bande noire sur leurs tricots » en hommage à leur coéquipier Joe Hall.

Il est intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1961.

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