Paddy Moran – Le meilleur gardien debout de l’histoire.


« Personne n’a joué à ce jeu avec autant d’enthousiasme, d’amour de la victoire et de haine de la défaite que Paddy Moran » dira le journaliste
D.A.L. MacDonald du Montreal Gazette le 24 février 1934.

image: Ville de Québec

Son surnom lui colle tellement à la peau que ses meilleurs amis en ont oublié le prénom. Patrick Joseph « Paddy » Moran est certainement le premier gardien vedette de l’histoire du hockey. Il est né le 11 mars 1877, au moment où l’on s’affaire à ériger le grand Skating Rink de la porte Saint-Louis. Ses parents Margaret Dorsey et John Moran, tous deux nés en Irlande, hébergent leurs six enfants dans un quartier modeste d’ouvriers irlandais, le Cap-Blanc, rue Champlain.

Moran dit avoir commencé à jouer au hockey en 1892, à l’âge de quinze ans. Il est rapidement sollicité, passant du club Sarsfield, au Dominion puis aux Stars, avec qui il remporte le championnat junior de Québec en 1898 contre les puissants Crescents grâce à une victoire de 4-0. Ces derniers le réclament dès la saison suivante et Paddy permet à ceux-ci de remporter un match contre le Quebec Hockey Club en 1899, puis le titre national intermédiaire en 1901. Une semaine plus tard, Paddy s’embarque pour une série de matchs hors concours à Halifax avec Québec. Le voyage durera seize ans.

Le titre de champion de la Canadian Amateur Hockey League (CAHL) en 1904 fait de lui un gardien très prisé. L’International Hockey League (IHL) lui offre pour la saison 1905 un premier contrat professionnel de 100 $ par mois plus un travail d’électricien, son métier, dans une mine du Michigan. Il ne se passe pas une saison sans que Moran reçoive des propositions, même à la retraite. Il ne cède à la tentation qu’une seule fois, en 1909-1910, pour une aventure très lucrative avec l’All-Montreal puis le Club Haileybury, en Ontario.

Carte de hockey Topps, 1961.

C’est un gardien d’instinct qui provoque, qui va à la rencontre du joueur adverse avant qu’il lance au but. Évidemment, ses sorties hasardeuses lui causent parfois beaucoup d’ennuis, mais ses excentricités font le délice des amateurs : il crache du tabac à chiquer sur ses adversaires, transporte la rondelle d’un bout à l’autre de la patinoire, arrête la rondelle avec sa veste déboutonnée pour la déposer plus loin et délimite son territoire à grands coups de bâton. On le dit sans peur, même à 38 ans, où il effectue un autre « arrêt de soccer », bras tendus et tête première. Paddy a toutefois la mèche courte et son bouillant caractère le dessert souvent. Un reportage du Sunday Sun de Toronto en 1961 le décrit comme étant le gardien le plus salaud de l’histoire. C’est surtout le plus excitant et le plus populaire de son
époque, selon un autre gardien étoile, Percy LeSueur.

« Paddy Moran prépare son fameux crachat avant d’arrêter un tir »

UNE VIE DRAMATIQUE HORS DE LA PATINOIRE

Moran n’a que vingt ans en 1897 lorsqu’il travaille comme électricien
pour les tramways du District Railway Co. pour qui il garde aussi les buts dans les matchs amicaux. Il a pour coéquipier son collègue John (ou Jeffrey) Roe, frère aîné de Maud Roe, à qui il demande la main en 1903. Des jumeaux naissent en 1905, mais l’un des enfants est mort-né. Un autre fils viendra en 1907, mais le bonheur est de courte durée. Le 26 février 1910, Paddy Moran n’est pas devant le but de Haileybury contre le Canadien. Il certainement atterré, peut-être même auprès de sa mère qui meurt le même jour, elle qui vivait sous son toit en son absence. On raconte qu’une sévère grippe qui frappe la maison est aussi la cause du décès de ses deux fils, Joseph Emmet (cinq ans) et Patrick junior « Chubby » (deux ans) les 2 et 19 mai.

Paddy dira plus tard que Maud et lui s’en sont sortis en vidant une bouteille de cognac par jour, sous la recommandation d’un ami médecin.
Ils n’auront plus d’enfants et Paddy ne quittera plus Québec.

Le sport aura aussi sans doute apaisé sa douleur. Cet été-là, Paddy Moran permet au National de Québec de décrocher le titre canadien intermédiaire de la National Lacrosse Union. Il connaît ses meilleures saisons de hockey par la suite.

Moran quitte sa cage en 1917 à l’exigence de son nouvel employeur,
l’hôtel des Douanes, qui lui demande fidélité au travail. Il le sera pendant
30 ans, jusqu’en 1947. Sa femme Maud meurt un an plus tard. Il occupe ses temps libres à jouer au curling, puis aux quilles et ne rate presque aucun match des As de Québec. À la requête de gens de sa ville et de son ami et ex-coéquipier, le sénateur Chubby Power, il reçoit en 1958 l’ultime honneur : il est intronisé au Temple de la renommée du hockey. Il est le plus ancien des 36 gardiens à recevoir cette distinction.

À droite, Paddy Moran avec l’équipe étoile de la NHA en tournée dans l’ouest canadien.

UN DERNIER MATCH, GENOUX AU SOL.

En 1918, le Quebec Hockey Club est en sabbatique et ses joueurs sont dispersés dans les trois autres formations de la nouvelle LNH. À l’initiative de Mike J. Quinn, d’Eugène Matte et de Léopold Dussault, le Canadien de Montréal s’amène à Québec, le 21 février pour y affronter les « ex-Bulldogs » dans un match dont une partie des profits ira à la Croix-Rouge. Quinn réussit à rapatrier Joe Malone, Jack McDonald et Joe Hall du Canadien, Harry Mummery et Rusty Crawford de Toronto et Dave Ritchie d’Ottawa. Le joueur demeuré à Québec George Carey est aussi de la partie. Le Soleil souligne l’événement.

« Canadien vs Québec ! Ces deux noms éblouissent, séduisent, car ils sont ceux des clubs qui ont charmé les fervents du hockey dans les rencontres inaugurées en 1911. Les joutes entre ces rivaux sont pour la plupart classées parmi les plus sensationnelles qui soient dans les annales de ce viril sport national canadien. »

Une autre surprise attend les amateurs : le filet du Quebec Hockey Club est défendu par le retraité Paddy Moran. Au total, 3000 amateurs prennent place à l’Aréna, une foule impressionnante pour un match somme toute amical. Le Quebec Hockey Club ne déçoit pas et signe une victoire de 4-3, après avoir tiré de l’arrière 2-0 après 40 minutes de jeu. « Les Québec ont de nouveau montré cette belle ténacité et ce courage indomptable qui leur ont valu justement le surnom de Bulldogs », rapporte Le Soleil. Le quotidien souligne aussi la performance étonnante de Paddy Moran qui enfilait les jambières pour la première fois de l’hiver.

« Paddy Moran nous a dit qu’il aime beaucoup le nouveau règlement permettant à un gardien du hockey senior de prendre n’importe quelle posture. La chose a été constatée. » Ce sera en effet le seul match de sa carrière où il aura pu se jeter au sol sans être puni pour immobiliser le disque. Un plaisir qui ne le sortira pas pour autant de sa retraite.

Le meilleur « gardien debout » s’est finalement couché à sa résidence
avenue Dessane, le 14 janvier 1966. Il avait 88 ans.

photo retrouvée récemment dans les murs en rénovation de sa maison, rue Dessane à Québec. On le voit devant la porte principale en compagnie de son épouse Maud.
Source : SIHR

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Danielle Dubuc dit :

    Paddy Moran, un vrai gars de Québec, un vrai showman, un grand gardien de buts, un courageux batailleur, un vrai de vrai BULLDOG pendant 17 ans. Je trouve que cest aussi le meilleur représentant d’une race de gardiens exceptionnelle maintenant éteinte, les gardiens debouts. Ne ratons pas cette occasion dhonorer fièrement ces gardiens légendaires dont Paddy est reconnu comme étant le plus coriace et le plus spectaculaire dentre eux, ne ratons pas cette occasion unique de vanter ce grand joueur de notre ville ou est née le sport du hockey, celui qui a gagné le première coupe Stanley du hockey moderne par jeux banc ! Paddy Moran, par son jeu, son style unique et son charisme qui électrisait les foules est une icone pour le hockey, pour l’histoire et pour la ville de Québec.

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