Le Colisée de 2012 a ceci de commun avec le Quebec Skating Rink de 1912 : il est désuet. Malgré les époques et les réalités qui les entourent, il est étonnant de constater certaines similitudes entre l’Aréna et le débat autour du Centre Videotron. Et on retrouve les maires Drouin et Labeaume en toile de fond…

Le « Pavillon des patineurs » (Skating Rink) a été conçu en 1877 sans même avoir le hockey en tête. Son déménagement en 1891 sur Cove Fields (Plaines d’Abraham) lui permet d’ajouter des gradins. Malgré cela, il ne peut accueillir que 1400 personnes assises et 3500 spectateurs extrêmement inconfortables autour d’une patinoire de 180′ sur 70′.

Le 12 mars 1913, deux jours après la deuxième conquête de la Coupe Stanley par les « Bulldogs » de Québec, le maire Drouin reçoit une proposition d’achat de terrain de la part du Club de hockey Québec pour la construction d’un aréna. Le Club envisage deux emplacements possibles : l’intersection de la rue St-Roch (Gare du Palais) et Desfossés (Charest), ou le coin de St-Roch et St-Marguerite, près de la gare C.P.R. et de la future gare du Palais. Le Club est prêt à payer le prix demandé grâce à un fonds d’amortissement de 1%, avec un taux d’intérêt de 4%. En retour, il promet de construire un aréna d’une valeur de 60 000 $. Cette offre est soutenue par l’échevin Joseph-Camillien Lockwell, convaincu que les citoyens apprécieront l’achat des terrains et des maisons, aux prix d’évaluation municipale.

Cependant, le maire de Québec se retrouve face à une autre offre. Celle-ci provient d’un groupe de Lévis dirigé par Joseph-Étienne Dussault, accompagné de ses frères Horace et Léopold, ainsi que de ses beaux-frères Noël Belleau et Louis-Gédéon Gravel. Le groupe, appelé « Syndicat de l’Aréna de Québec », propose un aréna situé au Parc Victoria. Cette proposition est soutenue par Arthur Derome, un autre administrateur du Club Québec.

Lockwell préfère toujours le projet présenté par le Club de hockey, qui est porté par des gens de Québec et qui est mieux situé pour les joueurs et les spectateurs, à deux pas de la gare et de l’hôtel Victoria, qui est la « maison du club ».

Les deux projets sont présentés le 28 mars lors d’une réunion du comité des finances de la ville. Le maire Olivier-Napoléon Drouin se montre favorable à la réalisation du projet car « le hockey est le sport le plus populaire actuellement et presque toutes les villes du pays ont ce type d’arénas. Comme le Club Québec est le meilleur club au Canada, il est grand temps de lui fournir un endroit et un aréna adéquats ». Le maire Labeaume n’aurait pas dit mieux !

Drouin favorise le projet du Syndicat dans « son » Parc Victoria, un lieu qui avait déjà été proposé par le Club de Hockey Québec en 1912 mais qui avait été refusé par la Ville. Cette fois-ci, le maire croit pouvoir obtenir l’accord des Sœurs de l’Hôpital Général de Québec, qui ont cédé ce terrain à la Ville en 1896 sous certaines conditions. Les Sœurs s’opposent toujours à la construction d’un aréna, mais les conseillers de la ville recommandent tout de même de poursuivre le projet. Le groupe Dussault est plus concret dans son offre : grâce à l’héritage de leur père décédé en 1909, les Dussault déposent immédiatement un chèque de 10 000 $ en garantie de réalisation pour le 1er décembre. Les plans et les devis sont prêts : un bâtiment de 300′ x 225′ pour une surface de jeu standard de 200′ x 85′, avec une structure en acier et en béton, 7000 sièges et la possibilité d’y installer une glace artificielle, ce qui ne sera pas fait avant au moins 15 ans.

Le projet est présenté au conseil municipal le 4 avril 1913 pour adoption, mais Lockwell s’y oppose « par respect pour le Club Québec qui est toujours en tournée dans l’ouest du pays ». Dès leur retour, le gestionnaire Mike Quinn et d’autres membres de l’organisation parviennent rapidement à un accord avec le groupe Dussault pour une location de cinq ans, soulagés et convaincus que l’aréna sera « le plus adéquat du pays ». Il comptera finalement 5500 sièges, avec une capacité maximale de 6500 spectateurs. La ville entérine le projet le vendredi suivant. Le terrain sera loué au coût fixe de 200 $ par an pour une durée de 50 ans.

Un peu moins de 9 mois plus tard, le match inaugural de l’Aréna de Québec a lieu le 29 décembre 1913 contre le Canadien. Pour l’occasion, le président de la NHA, Emmet Quinn, le maire Drouin et le gouverneur Sir François Langelier sont présents. Ce dernier « donne le signal de la joute en sonnant la cloche ». La salle n’est pas pleine ; entre 4500 et 5000 spectateurs assistent à la rencontre, « mais la direction de l’Aréna et le club (de Québec) sont satisfaits, compte tenu que plusieurs grands magasins étaient restés ouverts ». C’est Jack Laviolette du Canadien qui a l’honneur de marquer le premier but. Malgré les cotes défavorables de trois contre un, le Canadien gâche la fête et l’emporte 4-3.

Nul doute que les championnats remportés par le Club de hockey et les performances de son capitaine Joe Malone ont permis de réaliser cette construction. Québec ne sera plus la risée du pays et offre à son club et à ses fidèles supporters un premier amphithéâtre conçu spécialement pour le hockey.

Si l’on dit que Jean Béliveau a construit le Colisée en 1949, on peut aussi dire que Joe Malone a construit l’Aréna en 1913. Signe des temps, aucun joueur ne sera associé au suivant…