Frénésie, Coupe Stanley et champion du monde : La plus belle saison du « Quebec Hockey Club ».


Le 6 mars 2012, Québec célèbrera le 100e anniversaire de sa conquête de la Coupe Stanley. Voici l’histoire de cette saison incroyable, racontée pour la première fois. Ce texte fera partie du livre à paraître à l’automne sous le titre de travail  » L’histoire méconnue du Quebec Hockey Club (1878-1920) ».

Quebec Hockey Club, 1911-12
La photo d’équipe de 1912, prise possiblement le 12 ou le 13 mars, entre les deux matchs contre Moncton. Eddie Oatman (en médaillon) est malade et rate le match du 13. La Coupe O’Brien, absente de la photo n’est arrivée que le 18.

Dans la boule de cristal de Barney…

Un article de l’Ottawa Citizen du 7 mars 1911 cite le « cover-point » (défenseur) Barney Holden, de retour à Winnipeg en compagnie de son coéquipier Joe Hall du Quebec Hockey Club.

Barney Holden

« Deux coéquipiers natifs de Québec, Jack MacDonald et Joe Malone sont exceptionnels. Le premier est le meilleur attaquant au monde, devant  « Dubbie » Kerr d’Ottawa et le dernier est le meilleur manieur de bâton de la ligue ». Ces compliments sont audacieux, MacDonald n’a obtenu que 14 buts, 18 de moins que l’ailier des Sénateurs et Malone, frêle et souvent à l’écart, n’en a compté que neuf. Du même souffle, il ajoute que « Québec remportera le championnat de la NHA et la Coupe Stanley en 1912 ». Depuis 20 ans, Québec n’a eu que quelques saisons gagnantes, les dernières remontent aux « années Jordan » de 1904 et 1905. Depuis, le Club a cumulé une piètre fiche de 19 victoires contre 42 défaites.

Holden a dû passer pour fou à ce moment, de retour d’une saison de 4 victoires et 12 défaites, bon pour le dernier rang de la National Hockey Association (NHA). Barney ne jouera plus à Québec. Mais l’émergence de Malone et de ses « Blue and Whites» le feront passer pour un véritable prophète.

La course aux joueurs

L’automne 1911 n’annonce rien de bon. La Pacific Coast Hockey Association (PCHA) soutire deux joueurs de Québec, les attaquants Ken Mallen et Tommy Dunderdale. Ce dernier était encore libre car Québec voulait d’abord s’entendre avec l’excellent Odie Cleghorn, 5e buteur de la dernière saison, obtenu d’une loterie à la suite de la dissolution de Renfrew.

Malheureusement, Odie Cleghorn désire plutôt s’aligner avec les Wanderers de Montréal qui ont obtenu son frère Sprague. La cause est entendue par la NHA qui tranche : Québec l’échange aux Wanderers contre 500$. Le Toronto World rapporte que Québec se plaint de « toujours être du côté des décisions défavorables de la ligue ».

Québec a eu dans le passé beaucoup de difficultés à convaincre des joueurs « étrangers » et doit encore chercher ailleurs. Le club aura toutefois la main heureuse, il obtient un joueur alors méconnu, George « Goldie » Prodger, des Colts de Waterloo et John Joseph « Jack » Marks, un « travailleur honnête » que plusieurs joueurs de Québec ont côtoyé par le passé.

Les trois « M » de Québec, Malone, McDonald et Moran sont de retour, même si ce dernier a reçu une offre de 500$ supérieure à celle de Québec pour jouer ailleurs. Quant à « Bad Joe » Hall, il a peut-être connu sa pire saison en carrière avec Québec, blessé sérieusement à l’épaule à son premier match avec l’équipe en janvier 1911. Le gérant de Québec Mike « M.J. » Quinn tente tout de même de le convaincre de revenir. Le 7 décembre, Il est toujours chez lui à Brandon, Manitoba et raconte au Toronto World qu’il préfère s’aligner avec une des deux nouvelles formations de Toronto qui doivent aussi faire partie de la NHA. Il dit garder la forme en s’entrainant avec les joueurs amateurs de sa ville.

Les clubs de Toronto écartés de la ligue faute d’aréna, Hall accepte l’offre de Québec. Sa présence sera déterminante au succès de la saison 1911-12.

12 octobre 1911, Montreal Gazette. La NHA change à jamais le hockey en abolissant le « rover », faisant de ce sport un affrontement entre six joueurs de chaque côté, comme aujourd’hui. Une décision qui plait à Québec, sur la glace comme dans son portefeuille.

Un camp d’entraînement prometteur

Comme le souligne le Quebec Chronicle du 27 novembre : « les joueurs sont déjà à l’entrainement. On peut les voir courir d’un pas rapide sur les rues de l’extérieur de la ville ». Le froid déjà installé, un premier entraînement sur la glace naturelle du Quebec Skating Rink (Patinoir Québec) a lieu le 1er décembre et pour une fois, Québec a de l’avance, alors que le temps doux montréalais empêche ses clubs de s’entraîner pour au moins deux autres semaines.

Fort d’une préparation relevée, menée par l’athlète olympique Dave Beland (1908, le premier athlète olympique natif de Québec) et l’entraineur Chuck Nolan, Québec offre tout un cadeau à ses partisans le 25 décembre : Une victoire de 23-3 contre une équipe composée des meilleurs joueurs amateurs de la ville. Joe Malone inscrit 12 buts et son ami Joe Hall, qu’on dit « brillant » à la défense, en inscrit 6.

Petit rappel: c’est l’époque où la passe avant est interdite, les zones inexistantes, les gardiens doivent rester debout pour effectuer un arrêt et les six joueurs partants demeurent habituellement sur la glace pour les 60 minutes de la partie.

Le film d’une saison Hollywoodienne.

Le 29 décembre, Québec reçoit les Wanderers au vieux Skating Rink pour le premier match d’une longue saison de 18. Les nombreux partisans sont amèrement déçus de cette défaite de 9-5. Un match lamentable selon « An Old Player », qui signe de cette façon son opinion dans le Chronicle: « Goldie Prodger est peut-être précédé d’une bonne réputation, mais sa performance d’hier ne lui obtiendrait pas un poste dans une équipe junior ». Il y va aussi d’une sévère critique envers le gardien « Paddy » Moran de Québec, «  dont le manque de jugement a causé la perte de son équipe. Il a joué de meilleurs matchs par le passé, on ne se rappelle pas l’avoir vu aussi mauvais ».

Un seul match joué et la confiance est fragile. Québec a vendu un record de 1200 billets de saison et la demande unitaire est sans précédant, malgré l’augmentation de 25 cents par siège réservé. En mode panique, les administrateurs du club BJ Kaine et Arthur Derome sont dépêchés à Montréal pour reluquer le talent de joueurs amateurs. Insatisfaits de Moran, on laisse même entendre que Joseph Savard, un autre gardien de Québec pourrait être dans les filets contre Ottawa, le lendemain. Dans les journaux, le club doit nier la rumeur de l’avoir congédié.

Joe Malone (1912), nouveau capitaine du Quebec Hockey Club.

Malgré les menaces et les rumeurs, le sextette de Québec demeure inchangé.  Il joue mieux mais perd ses 2 rencontres suivantes par le même pointage de 5-4. La fiche du Club est 0-3 et selon les plus pessimistes, il est déjà sorti de la course aux championnats. Mais une décision importante coïncide avec le réveil des troupes : lors de l’entraînement suivant, le 8 janvier, il est décidé de confier le poste de capitaine à un jeune homme de 21 ans de Québec, Joe Malone.

Une première victoire !

Le 10 janvier, Québec remporte enfin son premier match de la saison 6-4 contre les Sénateurs. 3000 spectateurs sont témoins d’une très belle partie. « Plusieurs je-vous-l’avais-bien-dit ont pourtant les poches vides » souligne le Quebec Chronicle (une allusion aux parieurs qui affirment avoir prédit la victoire mais qui ont misé le contraire).

Le Club de hockey Québec remporte également le match suivant à Montréal contre les puissants Wanderers par le compte de 5-4. L’Action Sociale dépeint bien l’engouement grandissant du hockey dans la ville.  « Partout où les résultats étaient affichés point par point, une foule nombreuse étaient massée pour connaître l’issue de la joute. Pour ne nommer qu’un endroit, nous citerons le magasin de M. Jos Hunt, tabaconiste de la rue St-Jean où il y avait une foule telle que les tramways pouvaient à peine passer. Le magasin était rempli et à la porte, la foule bloquait la rue ».

Le prochain match à domicile avive la frénésie. Québec gagne 4-2 face au Canadien devant plus de 3500 spectateurs, « la plus grosse foule de l’histoire » selon l’Action Sociale, et des centaines de partisans resteront malheureusement frustrés à la porte, faute de place. « Le besoin d’un aréna se fait sentir de plus en plus ».

Le 13 chanceux…

Après 12 matchs, les quatre clubs de la NHA ont une fiche identique de 6-6. Jamais n’a-t-on assisté à une lutte aussi serrée.

"Paddy Moran crachait du tabac à chiquer dans les yeux de ses adversaires". Sunday Sun, 8 avril 1961

Pour ce 13e match, à Montréal contre le Canadien, Jack McDonald est grippé et malgré qu’il fasse le voyage, l’ailier ne peut prendre part à la rencontre. Il sera remplacé par le « 7e joueur », Jack Marks. Ce dernier a la tâche de couvrir Didier Pitre, de loin le meilleur attaquant du Canadien, actuel meneur chez les buteurs du circuit.

Marks le surveille tellement bien que Pitre n’a plus la tête au jeu. Hors de lui, il s’en prend à Goldie Prodger et lui assène un violent coup de hockey, ce que « Goldie » imite à son tour. Les deux hommes sont chassés du match. La liste des remplaçants épuisée chez le Canadien (un joueur remplacé ne peut revenir au jeu), on termine la troisième période à quatre contre quatre, plus les gardiens.

En deuxième période, Moran est assommé par un tir de ce même Pitre, surnommé « Cannonball », c’est tout dire. Paddy est inconscient et le gérant MJ Quinn vient lui porter secours. Moran s’éveille et s’excite « où est la rondelle ? Est-ce qu’il y a eu but ? ». Remis sur pied, il reprend place « sourire en coin, une marque de la grosseur d’un œuf au visage ». Il n’accorde qu’un seul but, en toute fin de partie, pour une grande victoire de 2-1 contre le Canadien devant plus de 5000 amateurs de hockey.

Pour la première fois de son histoire,  Québec est au premier rang d’une ligue professionnelle.

Une fin de saison fébrile.

"Les patins à lames tubulaires Fleming sont utilisés par toutes les équipes de la National Hockey League"

Le hockey se retrouve systématiquement à la « une » de la rubrique sport de tous les journaux. Plusieurs annonceurs profitent de l’intérêt pour associer leurs commerces au hockey. Le 21 février, Ed Fleming du Quebec Skate Manufacturing and Repair Co., fabricant des patins des joueurs de Québec, fait installer à ses frais une horloge qui permet aux spectateurs de suivre le temps à jouer. Le Chronicle annonce qu’un amateur de Québec garantit $300 aux joueurs s’ils remportent le championnat.

Québec revient le 24 février avec une autre victoire de 2-1 contre les Wanderers. L’Action Sociale titre son récit de la façon suivante : « encore une victoire et Québec aura pratiquement le championnat et sera détenteur de la Coupe Stanley ».

Québec peut s’en approcher grandement en gagnant son match contre le Canadien le 28 février. Aussi, le club s’assure de la présence de ses supporteurs en nolisant un wagon, les billets négociés à 7.95$ aller-retour.

Malheureusement, Québec connaît son pire match depuis le match inaugural et perd 6-3. Vers la fin de la partie, Oatman et Payan ont « jeté leurs bâtons sur la glace » et livré une bagarre, séparés par Goldie Prodger et George Vézina.

Au dernier weekend de la saison, tous les clubs sauf Canadien sont encore dans la course pour le premier rang et la Coupe Stanley.

Le match de l’histoire de Québec.

Le 2 mars 1912, ce 18e et dernier match de la saison pour Québec allait permettre à Joe Malone de se tailler une place parmi les légendes du hockey. Le Club Québec affronte les Sénateurs devant 6000 spectateurs, la meilleure foule de la saison. L’aréna Dey d’Ottawa vrombit dès la première période car son équipe prend rapidement les devants par deux buts. Québec semble désorganisé, comme le match précédant.

Joe Hall. Le 21 mars 1912, une série de 7 cartes postales des principaux joueurs de Québec voit le jour, en vente au coût de $0.35. Les photos proviennent du photographe Beaudry. (Source : collection Watters).

Dans un vestiaire sans doute très silencieux, il est permis de croire que le vétéran robuste défenseur « Bad Joe » Hall concocte un plan, car ses intentions en début de deuxième période semblent être bien planifiées.

Lors d’une mêlée pour la rondelle, Hall donne un coup de coude à la tête d’Albert « Dubbie » Kerr, l’un des meilleurs buteurs de la ligue. Celui-ci réplique et l’arbitre leur sert un avertissement. Hall continue à « lui parler » et Kerr se met à le poursuivre et lui administre un violent coup de poing. Au lieu de répliquer, Hall va se plaindre directement à l’arbitre qui éjecte aussitôt l’attaquant des Sénateurs. Hors de lui, le gardien Percy Lesueur s’en prend aussi à Hall mais échappe au sifflet de l’arbitre Duncan Campbell. Tout ce temps, l’homme à tout faire Dave Beland supplie Hall de « garder sa tête », ce que le dur-à-cuire fait. Son « plan » en dépend.

Récompensé, Il déjoue le gardien aigri d’Ottawa quelques instants plus tard, geste imité ensuite par Malone pour conclure la deuxième période à égalité, 2-2.

La tête refroidie par la pause de 10 minutes, Ottawa reprend rapidement son avance de deux buts, puis domine 5-4 avec quelques minutes à faire. Dès lors, le sextette d’Ottawa se replie en défensive, convaincu de contenir le Club Québec de cette façon pour les quelques minutes restantes.

L’atmosphère frôle la frénésie lorsque que dans la dernière minute de jeu, on apprend aux 6000 spectateurs que dans l’autre match de la ligue, les Canadiens ont battu les Wanderers en surtemps, 2-1. Ottawa n’est donc qu’à quelques secondes du titre de la ligue et d’une deuxième Coupe Stanley de suite.

Dans l’euphorie, on semble avoir perdu de vue le longiligne numéro 4 de Québec. Joe Malone surgit de nulle part, accepte une passe de Hall et lance sur Lesueur. Ce dernier fait l’arrêt avec le genou mais la rondelle bondit devant lui. Le gardien d’Ottawa se précipite sur la rondelle mais Malone l’atteint avant lui, faisant glisser doucement la rondelle « 5 pouces dans le but». Ainsi, Joe Malone inscrit le but égalisateur à sept secondes de la fin de la troisième. C’est le silence.

Une période supplémentaire est donc nécessaire pour déterminer le gagnant de cette importante partie. Imaginez: un spectateur superstitieux lance un fer à cheval à Lesueur qui s’empresse de le fixer à « son » filet.

le premier « 20 minutes » demeure sans décision. Si Lesueur et Moran sauvent leur club en maintes occasions, Québec est visiblement plus en forme qu’Ottawa et domine le jeu.

À la 84e minute de jeu, le capitaine Joe Malone, le héros de ce match repère Joe Hall, celui qui a provoqué la relance du club, lui refile la rondelle et Hall compte ! Ce but sera confirmé  après une discussion animée auprès du juge de but Dave Reynolds qui l’avait d’abord refusé. Hall compte ainsi le plus important but de sa carrière. Le plus important de l’histoire du Club Québec.

Les six joueurs québécois ont joué la totalité des 83 minutes et 50 secondes du match pour procurer ce gain historique. Récompensés, ils s’assurent au moins d’une égalité au sommet la NHA.

La folie se transporte en ville !

"Québec ressemble à des champions". Quebec Chronicle, 4 mars 1912.

Les amateurs, dont plusieurs avaient suivi la rencontre par télégraphe sont nombreux (de 4000 à 10 000 personnes selon le Daily Telegraph, La Patrie ou le Chronicle) pour accueillir leurs héros le lendemain à 18h30 à la gare du C.P.R. . Deux corps de musique ont d’ailleurs été dépêchés pour la fête. Les joueurs sont transportés sur les épaules des amateurs sur  » un demi-mille » jusqu’à l’Hôtel Victoria où une réception les attend.

C’est là que, quelques jours plus tard, ils prendront « possession » de la Coupe Stanley.

Le 6 mars 1912, Ottawa est à Montréal pour y jouer le dernier match de la saison contre les Wanderers. Ce match avait été remporté préalablement par Ottawa le 24 janvier mais jugé illégal par la ligue car les Sénateurs avaient aligné Fred « Cyclone » Taylor, un joueur qui appartenait légalement aux Wanderers.

Si Ottawa l’emporte, il termine à égalité avec Québec. Une série éliminatoire entre les deux équipes serait alors nécessaire pour déterminer le champion de la N.H.A.

Le quotidien montréalais Le Canada avance que « le triomphe final de Québec est ardemment souhaité par tout le public désireux de voir la Vieille Capitale occuper la place qui lui revient dans tous les sports seniors du pays ».

"Champions du monde et détenteur de la Coupe Stanley" Remarquez la note en bas de page: "maintenant, Est-ce Québec aura un aréna ?" Quebec Daily Telegraph, 7 mars 1912.
"Champions du monde et détenteurs de la Coupe Stanley" Remarquez la note en bas de page: "maintenant, Est-ce que Québec aura un aréna ?" Quebec Daily Telegraph, 7 mars 1912.

Ce soir-là, les joueurs et supporteurs de Québec sont réunis à L’hôtel Victoria et suivent le match but par but grâce au télégraphe. les gestionnaires du club Québec Charles Frémont et BJ Kaine sont à Montréal afin de suivre son déroulement. Heureusement pour Québec, les “Redbands” ont le couteau entre les dents, désireux de venger l’humiliante raclée de 17-5 qu’Ottawa leur a faite subir trois semaines plus tôt.  Ils offrent une performance sans bavure et renversent Ottawa par la marque de 5-2. Lorsque l’information arrive à l’hôtel Victoria, il y est inscrit “Wanderers 5; Ottawa 2; game over”. C’est la fête en ville, encore une fois ! « La bonne nouvelle se répand des corridors de l’hôtel jusqu’aux rues de St-Roch, Limoilou, St-Sauveur, Ville Montcalm et des plaines d’Abraham ». Les journaux racontent que les gens chantent une parodie du succès “What’s the Matter with Father” interprété à l’époque par Fred Duprez dont voici le refrain modifié :

What’s the matter with goaler “Pat” ? (He’s alright).
To Goldie Prodger lift your hat,
(He’s alright).
Joe Hall would make a team alone, Marks and Oatman hold their own,
What’s up with Mac and Joe Malone ?
(They’re alright) !

La Coupe O'Brien, le trophée du championnat de la NHA

Après ses trois défaites d’affilées en début de saison, Québec, sans changer son alignement, termine la saison avec une fiche de 10-8, une victoire de plus que les Sénateurs et les Wanderers. Le Quebec Hockey Club remporte le championnat de la NHA, le trophée O’Brien et devient le nouveau détenteur de la Coupe Stanley. Le lendemain, le commissaire de la Coupe Stanley William Foran autorise le transfert de la Coupe vers Québec et lui ordonne de la défendre contre d’éventuels challengers, comme il en est la coutume. Le seul club au pays à obtenir ce privilège sera les Victorias de Moncton, champions de la ligue professionnelle des Maritimes (Ma.P.H.L.).

Ça sent les séries !

La Coupe Stanley, placée depuis un an dans la vitrine de la bijouterie Henry Birks & Sons de la rue Sparks à Ottawa, déménage le 11 mars dans la vitrine du magasin Holt Renfrew, rue Buade, décorée aux couleurs du Club Québec. « Un grand nombre d’amateurs viennent offrir leur respect pour ce grand trophée qui a trouvé son chemin vers la vieille Capitale ». Le trophée O’Brien, symbole du championnat de la NHA n’est arrivé que le 18 mars et en très mauvais état. Une fois réparé chez « G. Seifert & Sons», rue de la Fabrique, le trophée prend enfin place dans la vitrine du grand magasin.

Les articles abondent, les honneurs pleuvent et les quotidiens, en particulier le Daily Telegraph, bombardent leurs pages d’un vœu cher : « Now, will Quebec get a Arena ? ». Le quotidien invite aussi le conseil de la ville de Québec à contribuer à l’achat de cadeaux et suggère une montre en or.

Reste tout de même les deux matchs à jouer contre Moncton au total des buts et Joe Malone souffre d’une grippe. Il était absent du rassemblement du 6 mars à l’hôtel Victoria et avait raté l’entraînement du lendemain.

Moncton s’amène en ville.

Télégramme de bonne chance d’Art Ross des Wanderers destiné à Joe Malone (Source : Collections Joe Malone jr.)

Les Victorias de Moncton arrivent en ville dimanche le 10 mars en après-midi fort d’un contingent de 40 personnes et logent à l’hôtel St-Louis. Le quotidien Moncton Transcript affirme que Moncton fera bonne impression car « la patinoire de Québec convient à son style de jeu ». Cette formation compte dans ses rangs cinq joueurs de l’équipe de Galt, championne de la défunte Ligue Professionnelle de l’Ontario (O.P.H.L), perdante contre les Sénateurs en challenge pour la Coupe Stanley en 1911. Leur joueur étoile est Tommy Smith, un futur « Bulldog » de Québec.

Le 11 mars 1912, le Quebec Skating Club s’anime, moussé par les nombreuses pages consacrées à ce challenge. Pour la toute première fois, un match de la Coupe Stanley est joué à six contre six et le système de pénalité monétaire en vigueur dans la NHA est appliqué.

Sur une glace molle et lente, Québec écrase les champions de la ligue professionnelle des Maritimes par le pointage de 9-3. Malone, toujours affaibli, compte tout de même 3 buts. Son ailier Jack McDonald en ajoute 4, les deux autres appartiennent à Joe Hall. Eddie Oatman qui a lui aussi la grippe est remplacé dès la deuxième période par Jack Marks. Le Chronicle s’avance : « La Coupe Stanley restera à Québec », convaincu que Moncton ne pourra réduire le déficit de six buts dans le deuxième match.

Pour le deuxième match disputé le 13 mars, Moncton est accueilli sur la glace par la marche funèbre, extrait de l’oratorio Saül de Handel, un choix douteux souligné par le Chronicle. N’empêche, l’orchestre connaît son hockey…

Pour ce match, le système des pénalités au banc est utilisé. Oatman n’est pas en uniforme, remplacé par Marks. Joe Malone a prévenu les amateurs : une fois la victoire assurée, il quittera la patinoire au profit de jeunes joueurs.

Malone compte le seul but d’une première période chaudement disputée. Mais le vent tourne en deuxième et Malone quitte la patinoire, son club en avance 5-0. Le jeune George Leonard jouera la fin de la période avant d’être relevé à son tour en 3e par Walter Rooney. Le futur dentiste de Québec compte le 8e et ultime but du match, son seul chez les professionnels. Une victoire « 100% Québec » car en plus de Rooney, Les québécois Joe Malone et Jack McDonald ont respectivement compté deux et cinq buts. « Mac » a compté neuf buts en deux rencontres. Enfin, le gardien Patrick « Paddy » Moran vétéran de huit  hivers avec l’équipe obtient le premier jeu blanc de l’ère professionnelle de la Coupe Stanley.

Contrairement à la tradition moderne, la coupe argentée ne semble pas présentée aux joueurs à la fin de la rencontre, toujours bien en vue dans la vitrine décorée. Étonnamment, c’est un groupe de supporteurs qui, en début de troisième période, offrent aux joueurs de jolis médaillons et pinces à cravates en guise de récompenses.

Immédiatement après la confirmation du championnat, le Daily Telegraph annonce un album souvenir du Club de Hockey Quebec. En vente le 9 mars 1912 au cout de $0.10, il contient 24 pages et 17 photos. (Source : Collections Joe Malone jr.)

Un championnat du monde avec ça ?

Annonce du match "Ottawas et Quebecs" Boston Evening Transcript, 18mars 1912.

Après avoir été écarté de la tournée annuelle en 1911, le Quebec Hockey Club devient soudainement l’incontournable invité de la série de matchs en sol américain contre les autres équipes de la ligue. Les joueurs quittent Québec le vendredi 15 mars, deux jours après la grande victoire et une réception bien arrosée au Quebec Snowshoe Club…

Le tournoi se déroule à Boston et New York et offre une bourse totale de 7 700 $.

Les québécois sont au tout nouvel Boston Arena le 18 mars pour y affronter les Sénateurs pour une première de deux rencontres. Ce match se joue à sept contre sept, comme Ottawa le désire tant. Pourtant, les Sénateurs se font piétiner 9-2. Joe Malone compte trois buts, malgré une amygdalite. Lesueur qui a déjà vécu de meilleurs jours accorde six buts en première période et reçoit une rondelle en plein visage en troisième qui le force à quitter la rencontre, relevé par le défenseur Hamby Shore. Une très rarissime  statistique, gracieuseté du Boston Evening Transcript : le nombre d’arrêts des gardiens. Lesueur en aurait réalisé 19 et son remplaçant Shore trois pour un total de 31 lancers par Québec.  Moran n’aurait reçu que 13 tirs dans tout le match.

La performance d’Ottawa déçoit tellement le promoteur de Boston qu’il refuse de tenir un autre match les impliquant. Dans l’impossibilité de s’entendre, le président de la NHA, Emmett Quinn transfert le second match au St-Nicholas Rink de New York. La querelle fait passer la bourse totale du tournoi à 4 950 $.

À six contre six cette fois, Ottawa l’emporte 5-3 mais perd la série au total des buts. Québec affronte donc les Wanderers en finale, tombeur des Canadiens.

Le « Blue and White » remporte le premier match 5-4 grâce au but gagnant de Joe Hall. But compté après qu’il ait été coupé à la lèvre par une rondelle avec quatre minutes à faire et insisté pour recevoir des points de suture.

Le lendemain, dans un troisième match en quatre soirs, Malone marque quatre fois et aide son équipe à l’emporter 8-4. Québec enlève « le championnat du monde » 13-8 au total des buts. Le club reçoit 1475 $, ce qui couvre à peine les dépenses reliées au voyage. N’empêche, Le Soleil coiffe sa « une » de ce titre : « Le Club de Hockey Québec champion du monde ». Une première consécration  en 34 hivers dont l’histoire est parsemée de frustrations, d’échecs et de démêlées fort médiatisées.

Les honneurs et les exploits arrivent enfin pour la courageuse organisation de Québec qu’on surnommera « Bulldogs » seulement la saison suivante car « il s’agrippe à la Coupe Stanley avec ténacité et persévérance ». Le nouvel aréna « que Joe Malone a bâti » sera construit à temps pour la saison 1913-14.

Il y a 100 ans, Québec était la meilleure ville de hockey au monde.

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