Didier Pitre à Québec? Sur une carte de hockey seulement.


Renaud Dorval me demande via Twitter pourquoi la National Hockey Association (NHA) a refusé la transaction qui aurait permis au Quebec Hockey Club d’aligner le  meilleur compteur du Canadien, le joueur étoile Didier Pitre. La réponse se trouve à la page 88 de mon livre « La Coupe à Québec : Les Bulldogs et la naissance du hockey ».  En voici l’extrait, agrémenté de quelques détails supplémentaires.

Joseph George Didier Pitre, dit Cannonball ( 1883-1934), est un ailier droit québécois professionnel de hockey sur glace ayant essentiellement joué pour les Canadiens de Montréal. Élu au  Temple de la renommée du hockey en 1962.
Natif de Valleyfield, Joseph George Didier Pitre, dit Cannonball ( 1883-1934), est un ailier droit ayant essentiellement joué pour les Canadiens de Montréal. Élu au Temple de la renommée du hockey en 1962. Cette carte de hockey de la saison 1912-13 l’identifie au Club de Hockey Québec.

DIDIER PITRE À QUÉBEC !

Le 26 novembre 1912, les journaux annoncent en grande pompe l’arrivée du joueur étoile du Canadien de Montréal, l’attaquant Didier Pitre, auteur de 28 des 59 buts de son club en 1912, bon pour le 2e rang de la NHA.  En échange, Québec aurait donné les droits du déserteur Goldie Prodger, que le propriétaire George Kendall (dit Kennedy) du Club de Hockey Canadien croit être capable de rapatrier dans la NHA.

Selon l’Action Sociale, Kendall était au théâtre Princess de Québec la veille en tant que promoteur de lutte, sa passion première.  C’est là qu’il aurait accepté l’offre de Québec.  À ce moment, le secrétaire Arthur Derome est à Montréal et convainc Pitre de signer le contrat évalué plus tard à 3 000 $, la plus importante somme jamais offerte par le Club Québec.  Ce journal n’est pas peu fier de cette nouvelle :

« Tout en augmentant de 100 % la valeur de son équipe, elle vient de donner à l’élément canadien-français de Québec, dont l’encouragement n’a jamais fait défaut aux champions, un représentant sur l’équipe. ».

Le « star French-Canadian player » est reçu comme un héros par la presse, logé avec sa femme à l’hôtel Victoria, accueilli avec une réception réservée aux grandes vedettes. Pitre est sur la glace pour le premier entrainement du 11 décembre et est ovationné à tout rompre, comme les joueurs Malone, Hall et Moran. Malheureusement, les centaines de spectateurs aux entrainements seront bientôt fort déçus. Des rumeurs ramènent Pitre à Montréal, d’abord niées par Québec. Le 21 décembre, le Quebec Chronicle se questionne : « Quelle est la position de Québec dans l’affaire Pitre ? »

Le lendemain, la NHA est réunie à Toronto et entend la version officielle de cette transaction. Pitre est, dans les faits, loué à Québec et le Canadien pourrait en tout temps réclamer ses services, ce qu’il ferait s’ils sont dans la course en 2e moitié de saison.  Kendall savait compter : la NHA, qui avait adopté la saison précédente le hockey à six joueurs, devait revenir au hockey à sept joueurs le 1er février. Le Canadien aurait coupé de moitié le salaire de son joueur étoile et récupéré son 7e joueur pour l’autre moitié de saison, tout en affaiblissant considérablement le Club Québec, détenteur de la Coupe Stanley.

Cette transaction illicite avait aussi pour but d’empêcher Pitre de se diriger vers l’ouest canadien.  Plus tôt en novembre, Vancouver avait échangé Newsy Lalonde au Canadien contre Pitre, mais Kendall refusait d’y donner suite, prétextant que la Pacific Coast Hockey Association (PCHA) se comportait cavalièrement avec la NHA.  Cette dernière délibère et refuse l’entente Québec-Montréal, ce qui met fin à l’association de Pitre avec Québec.  Frank Patrick, patron de la PCHA réclame de nouveau la transaction Lalonde – Pitre, sans succès.

Voyant la popularité du canadien-français auprès de la population, Québec aurait tenté de conclure une transaction valable auprès du Canadien. Malheureusement, « les canadiens-français de la vieille capitale n’auront jamais la chance d’applaudir un des leurs dans l’uniforme québécois » écrira l’Action Sociale. Pitre jouera avec le Canadien, tout comme Newsy Lalonde, ce qui envenime les relations NHA – PCHA.

Publicité du 15 février 1917. Didier Pitre et plusieurs joueurs professionnels patinent sur ses lames.
Publicité du 15 février 1917. Didier Pitre et plusieurs joueurs professionnels patinent sur les lames Fleming fabriquées à Québec.

Le populaire joueur québécois gardera toutefois un précieux souvenir de son passage à Québec : ses patins, fabriqués au Quebec Skate Manufacturing Co. du 259 rue St-Jean.  L’année suivante, il en commande une autre paire depuis Vancouver, qui l’a finalement acquis.

Et notre souvenir de son passage à Québec ?  Celui d’une carte de hockey de la série C-57, imprimée un peu trop tôt.

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